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Edition du 04 decembre 2024 P.56-67

Lacroix sur la piste du luxe pour son come-back

Au Japon, le kintsugi est une technique artisanale qui consiste à parer de poudre d’or une laque permettant de réparerdes porcelaines et céramiques brisées. C’est le nom qu’a choisi pour baptiser son nouveau ski très haut de gamme l’équipe qui a repris en mai 2022 la marque française Lacroix.

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collection lacroix

Lacroix veut revenir au sommet du ski haut de gamme - Lacroix

Si le design du ski fait référence au savoir-faire nippon, (alors que sa structure se compose d’un noyau de hêtre et de peuplier renforcé par deux plaques en titane), l’analogie pourrait bien s’appliquer à l’approche du trio de repreneurs composé du banquier d’affaires Damien Bodoy et du couple Marilyne et Günther Doll (ex-Oxbow et
Mercedez-Benz) et qui ont réuni une douzaine d’investisseurs autour d’eux pour investir un million d’euros dans le projet de relance de la marque, qui avait été placée en procédure de sauvegarde. « En station de ski, tout le monde connaissait la marque. C’était le Chanel du ski pour les uns ou la Rolls-Royce du ski pour les autres. C’est un monument du ski français, avance Günther Doll, président de la société. Mais la marque avait subi le fait que personne n’avait su gérer la période de fermeture des stations avec le Covid-19. Avec la reprise, le premier acte était,dans notre stratégie de redevenir crédibles dans l’univers ski, de recréer une collection de matériel pour les pistes comme l’avait fait Léo Lacroix dans les années 1960. »

En s’inspirant du champion fondateur,les repreneurs entreprennent donc de constituer
une offre premium,avec des volumes de production intermédiaires,entre les marques de niche et les gros faiseurs, et se rapprochent donc des producteurs italiens. »Nous aurons 22 modèles l’hiver prochain avec une offre entre 1.200 et 8.500 euros. Ma volonté est d’abord de toucher le marché français avant que Lacroix ne redevienne une marque internationale, la marque forte des années 1970-1980.Pour cela, il fallait revenir avec un produit ski fort. Et pour être sérieux,je voulais casser l’image bling-bling. »

gunther damien

Damien Bodoy (à gauche), directeur général, et Günther Doll, président de Lacroix Sports.

Dans le ski, le segment haut de gamme, voire luxe, a durant ces deux dernières décennies effectivement largement adopté une approche misant sur l’apparat et les signes extérieurs de richesse. Alors que le luxe discret a fait un retour ces trois dernières années, Lacroix veut tendre vers plus de raffinement. Une volonté qui se traduit dans sa collection textile 2025-26, présentée aux acheteurs cet hiver.

« Nous avons voulu fusionner les dernières technologies et la fashion élégance à la française, explique le président de la marque, qui cite Bogner et Moncler comme références. Nous allons proposer des vestes à 1.300 euros avec des caractéristiques très techniques. C’est là que nous sommes attendus par nos clients multimarques .Mais nous avons le potentielpour devenir la propositionalternativehaut de gamme des spécialistes du ski. »

La marque revendique avoir conservé sa place dans nombre de points de vente en rééditant des anciens modèles ces deux dernières années et, surtout,en écoulant les stocks des collections précédentes via des sites de revente mais surtout en ouvrant un espace éphémère dans un village de marques. Selon sa direction, ce travail sur les stocks est réalisé. La marque doit à présent valider ses ambitions commerciales.

Lacroix développe une nouvelle proposition textile pour l'hiver 2025-2026

Celles-ci passent par un développement de ses ventes en plaine et notamment potentiellement dans les grands magasins européens, mais aussi par un développement à l’export, en particulier sur le marché majeur américain. Le développement d’une ligne urbaine doit permettre à Lacroix de séduire ces urbains au pouvoir d’achat élevé. Deux opportunités crédibles, si l’on en croît le nombre d’ouvertures de magasins outdoor ces
derniers mois dans les grandes métropoles de la planète.

Malgré des perspectives complexes pour l’avenir de l’ensemble des stations de ski avec des taux d’enneigement incertains face aux problématiques de réchauffement climatique, les destinations très haut de gamme situées en haute altitude, telles que Megève ou Courchevel, attirent toujours une clientèle aisée.

II n’empêche que la direction de Lacroix regarde aussi d’autres relais de croissance. « Nous avons voulu commencer à désaisonnaliser notre activité et nous avons amorcé une offre golf, explique Günther Doll. Nos sacs de golf plaisent,avec cette approche très haut de gamme qui n’existe pas réellement.Depuis un an, nous testons le marché avec des partenariats et des tests produits. Et depuis septembre, nous avons nos propres putters avec ingénierie Lacroix ». Le dirigeant glisse aussi regarder du côté des vélos très haut de gamme mais surtout des options possibles sur le marché du foil, ces nouveaux outils de la glisse qui sont venus remplacer la planche à voile ou le kitesurf, « un joujou pour les propriétaires de yachts ».

Des développements importants dans le ski comme dans la diversification vers d’autres sports. Et justement, Damien Bodoy et Günther Doll avancent pouvoir prochainement disposer de ressources nouvelles. La société Lacroix Sports, qui compte aujourd’hui trois salariés, a recruté le directeur de création Florent Lassalle (ex-Rossignol) et travaille avec une dizaine de freelances. Elle table sur la finalisation d’une levée de fonds de l’ordre de 5 millions d’euros dans les prochaines semaines. Un financement qui pourrait lui permettre de valider ses ambitions de faire remonter la marque en haut des sommets du ski et du sport haut de gamme.